L’évaluation du raccrochage de l'élève entre parcours social imposé et trajectoire biographique singulière : quels problèmes? Quels enjeux?
Valérie Melin
Evaluer le raccrochage des jeunes, c’est du point de vue de l’institution évaluer l’efficacité d’une rescolarisation qui restaure la continuité d’un parcours de formation et qui conduit à un diplôme consacrant un niveau suffisant pour assurer une intégration sociale. Un tel mode d’évaluation, du fait même de ce sur quoi il porte, se construit prioritairement sur les indicateurs objectifs qui rendent compte de la restauration de la posture d’élève au sein de la structure de raccrochage. Dès lors, il ne se préoccupe pas de la compréhension du processus biographique subjectif à l’œuvre dans la temporalité du raccrochage. Les difficultés rencontrées par les jeunes lors de leur reprise d’études, et la plupart du temps persistantes, témoignent de la complexité de ce processus inséparable de péripéties, de contradictions qui ne cessent d’interroger la place même de la scolarité et son projet. Peut-on réduire, d’un point de vue méthodologique, l’évaluation du raccrochage de l’élève à la simple analyse d’un parcours? N’est-il pas nécessaire de prendre en compte la trajectoire biographique, en tant que dynamique réflexive d’un sujet qui configure la trame des événements constituant son existence et son identité en interaction avec le contexte social où son expérience se situe? L’étude de certains devenirs d’élèves montre en effet que le raccrochage avéré du point de vue du parcours est en réalité illusoire et stérile du fait de problématiques identitaires complexes. Réciproquement d’autres situations singulières démontrent au contraire que des parcours de décrochage réitéré peuvent masquer un engagement dans la formation qui finit par aboutir.
L’évaluation du raccrochage du point de vue du parcours soulève aussi un problème déontologique. Le mot parcours, rappelle De Gauléjac, relève, en effet, de l’expertise et de la politique gestionnaire. L’évaluation d’un parcours se fait du point de vue d’une autorité extérieure qui statue pour un autre en contrôlant son efficacité et ses performances. L’idée de trajectoire biographique suppose au contraire l’engagement d’un sujet dans la construction de son identité. Elle est inséparable d’une temporalité subjective et de sa mise en forme narrative comme le souligne Ricoeur. Le récit recentre le sujet sur son pouvoir de nommer, de choisir ou encore d’interpréter. Le récit de vie met le sujet en travail. C’est lui qui structure le récit et c’est lui qui garde la maîtrise de l’interprétation. Aborder le devenir du jeune dans le cadre du raccrochage du strict point de vue de l’efficacité d’un parcours, n’est ce pas alors nier sa dimension de sujet que l’approche biographique préserve et affirme?
Evaluer le raccrochage n’est pas sans enjeux politiques et sociaux. Les élèves « décrocheurs » en situation de « raccrochage » sont pris dans une dynamique d’altération, dans un mouvement qui vise la suppression d’un caractère identitaire au profit d’un autre. Evaluer le raccrochage, c’est donc s’intéresser à un processus d’individuation sur lequel l’institution intervient. Cette gestion des élèves en difficulté et en rupture repose sur la mise en projet qui peut devenir l’expression d’une nouvelle forme de contrôle de l’individu. Si proposer aux jeunes ayant décroché la possibilité de reprendre leurs études leur donne l’opportunité d’échapper à des étiquetages très pénalisants, évaluer le raccrochage peut contribuer à renforcer l’emprise de l’institution sur les individus. Il s’agit alors d’une emprise sur le devenir du jeune que l’institution accompagne, supervise, oriente, corrige et prévoit.
L’évaluation du parcours du jeune au moyen d’indicateurs de raccrochage est inséparable de la compréhension de la trajectoire singulière qui se refuse à une mesure objectivante et qui repose sur la construction biographique du sujet. Il est nécessaire que l’évaluation du raccrochage demeure une évaluation critique, c’est à dire une évaluation qui ne cesse de penser ses propres présupposés en dialoguant avec le sujet en travail biographique.
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L’évaluation du raccrochage du point de vue du parcours soulève aussi un problème déontologique. Le mot parcours, rappelle De Gauléjac, relève, en effet, de l’expertise et de la politique gestionnaire. L’évaluation d’un parcours se fait du point de vue d’une autorité extérieure qui statue pour un autre en contrôlant son efficacité et ses performances. L’idée de trajectoire biographique suppose au contraire l’engagement d’un sujet dans la construction de son identité. Elle est inséparable d’une temporalité subjective et de sa mise en forme narrative comme le souligne Ricoeur. Le récit recentre le sujet sur son pouvoir de nommer, de choisir ou encore d’interpréter. Le récit de vie met le sujet en travail. C’est lui qui structure le récit et c’est lui qui garde la maîtrise de l’interprétation. Aborder le devenir du jeune dans le cadre du raccrochage du strict point de vue de l’efficacité d’un parcours, n’est ce pas alors nier sa dimension de sujet que l’approche biographique préserve et affirme?
Evaluer le raccrochage n’est pas sans enjeux politiques et sociaux. Les élèves « décrocheurs » en situation de « raccrochage » sont pris dans une dynamique d’altération, dans un mouvement qui vise la suppression d’un caractère identitaire au profit d’un autre. Evaluer le raccrochage, c’est donc s’intéresser à un processus d’individuation sur lequel l’institution intervient. Cette gestion des élèves en difficulté et en rupture repose sur la mise en projet qui peut devenir l’expression d’une nouvelle forme de contrôle de l’individu. Si proposer aux jeunes ayant décroché la possibilité de reprendre leurs études leur donne l’opportunité d’échapper à des étiquetages très pénalisants, évaluer le raccrochage peut contribuer à renforcer l’emprise de l’institution sur les individus. Il s’agit alors d’une emprise sur le devenir du jeune que l’institution accompagne, supervise, oriente, corrige et prévoit.
L’évaluation du parcours du jeune au moyen d’indicateurs de raccrochage est inséparable de la compréhension de la trajectoire singulière qui se refuse à une mesure objectivante et qui repose sur la construction biographique du sujet. Il est nécessaire que l’évaluation du raccrochage demeure une évaluation critique, c’est à dire une évaluation qui ne cesse de penser ses propres présupposés en dialoguant avec le sujet en travail biographique.
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